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Partistare
20 janvier 2005

Le petit trou du Docteur Philipp

En France, tout le monde a deux métiers : le sien et critique de cinéma.
François Truffaut



Hier soir, j'ai forcé Celle-on-on-ne-prononce-pas-le-nom (c'est la jeune femme qui partage ma vie) à regarder avec moi à la télévision un film que j'avais loupé en salle cette année : Qui a tué Bambi ? (premier film de Gilles Marchand, scénariste auparavant du "Harry, un ami qui vous veut du bien" de Dominik Moll (d'ailleurs crédité au générique comme "conseiller à la mise en scène") sélection Française à Cannes en 2003, zéro prix, les critiques de l'époque l'avaient dans mon souvenir surtout taxé d' "hommage Hitchcokien scolaire et un peu longuet". (je synthétise – quand je commence à parler comme ça, Le Gourou et Jean-Jean disent que je suis passé en mode CD-Rom. Mais c'est plus fort que moi.)).

Hé bien j'ai beaucoup aimé, "Qui a tué Bambi ?".

Alors de quoi s'agit-il ? C'est l'histoire (rappelons-nous qu'Howard Hawks ou John Ford disaient : "Un bon film, c'est trois ingrédients : une bonne histoire, une bonne histoire, et une bonne histoire." (Quelle bande de vieux radoteurs, ces deux-là.)) d'une jeune fille qui fait un stage d'infirmière dans un hôpital, et qui soupçonne bientôt un médecin, le mystérieux docteur Philipp (Laurent Lucas) de droguer ses patientes la nuit pour les violer. Et "Bambi", c'est le surnom que donne à cette jeune infirmière, jouée par Sophie Quinton, le docteur Philipp, justement, parce que lors de leur première rencontre, elle a un malaise et s'évanouit.
- Vous vous appelez Bambi. Parce que, comme lui, vous ne tenez pas sur vos jambes. (Bon, ça rend mieux quand c'est Laurent Lucas qui le dit.)

Il y a plein de choses intéressantes, dans ce film, à l'atmosphère effectivement très Hitchcockienne (référence directe – facile - à la scène de "Soupçons" où Cary Grant monte un verre de lait à sa femme). En particulier son côté très "film de scénariste".

Car "Qui a tué Bambi ?" est ce que j'appelle un "film de scénariste".
Alors qu'est-ce qu'un film de scénariste, demanderont certains d'entre vous (les autres ont intérêt à arrêter de lire parce que je ne vais parler que de ça).
Un film de scénariste, c'est un film (généralement un "premier") réalisé par un type qui auparavant était scénariste (autre exemple : "Hypnose" de David Koepp).
Certes.
(Les petits malins qui ont répondu ça feraient bien de partir aussi, parce que c'est pas avec une classe comme celle-ci qu'on va terminer le programme d'ici juin, c'est moi qui vous le dit.)
Certes, mais encore ?
Il y a plusieurs choses qui caractérisent ce que j'appelle un "film de scénariste", et qu'on retrouve dans "Qui a tué Bambi ?" :
- une mise en scène léchée, précise, ici "à la Kubrick". Et surtout entièrement pensée autour du scénario (il y a des critiques, chez Chronicart, par exemple, qui vous diront qu'ils préfèrent les films dont la mise en scène va contre le scénario. Moi, dans ces cas-là, je vide mon verre, je me lève, je dis à Celle-dont-on-ne-prononce-pas-le-nom d'aller chercher ses affaires et nous partons.). Pas un plan qui dépasse, pas un mouvement de caméra qui ne serve l'histoire. On peut trouver ça un peu mécanique, mais là, en l'occurrence, c'est vraiment réussi.
- une construction rigoureuse, si possible à tiroirs (le réalisateur était scénariste, mettons-nous à sa place : le jour où votre boulanger vous invite à dîner, la moindre des choses c'est que le pain soit bon). En l'occurrence ici, ce qui m'a bien plu, et même si l'intrigue en elle-même n'est pas franchement époustouflante, c'est que pendant tout le film on a l'impression d'être dans un film à twist, pendant tout le film on s'attend à un retournement de situation final complet, et pourtant non (c'est ça, le twist). Gilles Laurent joue d'ailleurs avec ça, puisque nous voyons ce que fait Laurent Lucas, il y a assez peu de doute quant à la nature de ses agissements, et pourtant le personnage comme son discours ("... Véronique est morte, je l'ai tuée." "- ... pas vrai !" "- Vous avez raison, c'est pas vrai.") maintiennent l'ambiguïté jusqu'au bout (Laurent Lucas est génial). A tel point que jusqu'à la fin je me suis demandé s'il n'y avait pas une autre explication, et si effectivement, Isabelle/Bambi n'avait pas une imagination galopante.
- des "scènes" marquantes. Ici, celle dite "du rêve" (à double titre puisqu'à ce moment-là du film, Bambi pourrait très bien être en train de rêver – elle a pris un somnifère dans la scène d'avant) : lors d'une fête d'internat, Bambi se retrouve entourée de ses copines qui lui disent en pouffant que le docteur Philipp a fait un rêve, et qu'il doit absolument lui raconter. Celui-ci fait mine d'être embarrassé et finit par plutôt proposer à Bambi d'essayer de deviner le contenu de ce rêve, en ne posant que des questions auxquelles il répondra par oui ou par non.
Celle-ci s'exécute timidement (performance incroyable de Sophie Quinton, vraie révélation du film) et lui pose des questions, révélant petit à petit qu'il s'agit d'un rêve érotique (gêne), qu'il a rêvé d'elle avec lui (ricanements des copines), dans une forêt, l'un contre l'autre...
Mais alors qu'elle creuse les contours du rêve, le docteur Philipp lui révèle tout-à-coup qu'il s'agit d'un jeu, qu'il n'y a pas de rêve, qu'il répond par "oui" quand la question se termine par une voyelle, par "non" quand c'est par une consonne ("-C'est un rêve érotique ? – Oui."). Ses copines éclatent de rire, et Bambi rougit parce que c'est son fantasme qu'elle vient de révéler. (J'ai trop envie d'essayer ça sur quelqu'un.)
- le jeu avec quelques conventions scénaristiques usées du genre "thriller". Par exemple la scène où Bambi, en pleine nuit, va fouiller le bureau du docteur Philipp. Elle ouvre la porte avec un double des clés, pénètre dans la pièce sans allumer la lumière, et referme la porte derrière elle à clé. Dans n'importe quel autre film du même genre, l'héroïne ne verrouillera pas la porte et n'entendra pas le méchant arriver dans son dos tandis qu'elle fouillera dans les tiroirs ! Ou l'absence de toute musique tonitruante lors des apparitions "surprises" du docteur (à la fin, dans le jardin de l'hôpital, quand Bambi est avec Sami). Ou bien : comment échapper à quelqu'un qui vous a kidnappé et vous emmène en voiture vers une destination qui risque bien d'être finale dans tous les sens du terme ? En le mordant pour que la voiture ait un accident (on se demande pourquoi on n'y pense pas).

Mais il y a aussi un truc qu'on ne trouve pas forcément dans un film de scénariste, c'est une putain de vraie révélation d'actrice. Sophie Quinton. Je ne comprends pas qu'elle n'ait pas l'air d'avoir fait grand chose depuis, mais si elle n'a pas le César du meilleur jeune espoir féminin cette année je quitte ce pays (pareil pour Amalric meilleur acteur pour "Rois et reine" d'ailleurs). Elle est incroyable.

Et pour finir, afin de vérifier l'intuition que j'avais que je venais de voir un vraiment bon film, j'ai procédé à mon petit test habituel : je suis allé voir ce qu'en avaient pensé les petits génies de Chronicart.
Et là, bingo (ce truc est vraiment infaillible).
Ils avaient détesté.
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Commentaires
S
il est tellement jaloux du succès du kassbloog qu'il a décidé de se consacrer à son futur métier d'éditeur de contenus météo et horoscope compatible wap 3.0 ....
A
c'est la fin du blog?
V
yspass plus rien sur ce blog, ca va de plus en plus vite le declin des start-ups dis donc !!!
A
wé, en fet, c ça
J
C tro lon ton ketru, fo fer plu cour et aéré, tu ma KC la tet.<br /> Kulé, va
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